WILLIAM raconte le parcours d’un garçon de 9 ans qui est enlevé à sa famille en 1960 et placé de force dans l’un des 139 pensionnats qui ont vu le jour au Canada sur une période de plus de cent ans, de 1870 à 1997. Les pensionnats autochtones étaient voués à l’assimilation de jeunes des Premières Nations, Inuit et Métis au Canada.
Chacun des épisodes de la série traite d’une étape paradigmatique du parcours de ces enfants. De la vie en famille sur le territoire, nous assistons à l’enlèvement par les agents gouvernementaux, à l’arrivée au pensionnat, à la prière au dortoir, à la leçon en salle de classe et, enfin, au retour à la maison.
Aujourd’hui, rares sont les Canadien·ne·s n’ayant jamais entendu un témoignage bouleversant ou vu une photo touchante liés aux pensionnats pour autochtones. Malgré cela, cette partie de l’histoire collective est à peine abordée dans les programmes d’études des écoles, et selon un sondage mené en 2021 (1), plusieurs personnes admettent en connaitre très peu à ce sujet, exception faite de ce qui peut être lu ou entendu dans les médias. Dans un monde saturé d’information, dans ce monde où il semble que chaque jour une nouvelle calamité a lieu, il est difficile de sortir de soi pour éprouver l’empathie qui s’impose lorsqu’on rencontre la souffrance réelle chez l’autre. WILLIAM veut relever ce défi en permettant à chacun·e de vivre cette réalité historique à la première personne.
Cette série veut livrer le réel dans sa forme la plus intime par l’entremise d’une création dramatique qui repose sur des faits historiques. Elle comporte toute la rigueur d’un projet documentaire. C’est par un important travail de recherche que l’équipe a conçu les six épisodes de WILLIAM.
Les scénarios s’inspirent directement des nombreux témoignages d’ancien·ne·s pensionnaires. La sélection des scènes a été faite pour capter les moments archétypiques que chaque enfant qui est passé par le système des pensionnats a dû vivre. L’expérience de William et de ses paires, c’est l’expérience de milliers de personnes. En la vivant, nous devenons témoins d’une même tragédie qui se répétait lorsque le gouvernement enlevait un enfant à sa famille ou à sa communauté.
Ce projet s’inscrit dans la mouvance d’un souci de conscientisation et de réparation des torts causés aux communautés autochtones du Canada. Le pouvoir du cinéma et celui de la réalité virtuelle sont mis au service de l’éducation et de la sensibilisation.
En incarnant un personnage et en vivant son histoire, l’utilisateur·rice s’engage dans un devenir qui amplifie l’empathie et la volonté de comprendre l’expérience d’autrui.
(1) Les canadiens et canadiennes réagissent à la découverte de restes humains dans un pensionnat
WILLIAM a été conçu dans un premier temps pour un auditoire canadien, francophone et anglophone. Toutefois, l’histoire de la colonisation au Canada étant une manifestation d’un phénomène global, la série s’inscrit dans un mouvement mondial visant à faire valoir l’expérience des peuples autochtones de tous les pays. C’est donc à un public plus élargi que nous offrons cette série tournée en réalité virtuelle.
Puisque son contenu repose sur les conclusions du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, WILLIAM revêt également une dimension éducative importante. Il est un outil pédagogique puissant que nous invitons les enseignant·e·s à utiliser lorsqu’il·elle·s aborderont le système des pensionnats en salle de classe.
L'information présentée dans cette section peut s'avérer offensante pour certain·e·s lecteur·rice·s
L’origine des pensionnats autochtones remonte au dix-neuvième siècle, époque d’expansion coloniale ahurissante au Canada. Pendant cette période, la «Question indienne» était sur les lèvres de tous les dirigeants du pays naissant.
Ici comme aux États-Unis, la population de provenance européenne augmentait rapidement et la doctrine selon laquelle les populations autochtones appartenaient à un âge désuet était tout simplement tenue pour acquise. L’incapacité des colonisateur·rice·s à intégrer les peuples autochtones posait problème à ceux·celles qui cherchaient à recréer la civilisation qu’il·elle·s avaient importée d’Europe.
En 1883, seize ans après la Confédération, le premier ministre John A. Macdonald présentait une « solution » à la Chambre des communes :
Lorsque l’école est sur la réserve, l’enfant vit avec ses parents, qui sont sauvages; il est entouré de sauvages, et bien qu’il puisse apprendre à lire et à écrire, ses habitudes, son éducation domestique, et ses façons de penser, restent celles des sauvages. En un mot, c’est un sauvage capable de lire et d’écrire. On a fortement insisté auprès de moi, comme chef du département de l’Intérieur, pour soustraire autant que possible les enfants sauvages à l’influence de leurs parents. Or, le seul moyen d’y réussir serait de placer ces enfants dans des écoles industrielles centrales, où ils adopteraient les habitudes et les façons de penser des blancs. (2)
Les autochtones étaient déjà, à cette époque, confinés dans des réserves. En permettant aux enfants autochtones d’être élevé·e·s par leurs parents, les réserves assuraient la propagation de cette culture qui posait problème au progrès civilisateur que Macdonald et ses collègues envisageaient pour leur jeune pays. Dans leurs esprits, la philosophie selon laquelle il fallait « tuer l’enfant pour sauver l’homme » était une vérité d’évidence. Si les autochtones allaient s’intégrer à la population européenne et participer au projet colonisateur, il fallait donc séparer les enfants de leurs parents. Il fallait détruire le système familial qui assurait la transmission des cultures autochtones. Voilà la conclusion à laquelle Macdonald était arrivée.
Pendant plus d’un siècle, les objectifs centraux de la politique indienne du Canada étaient les suivants : éliminer les gouvernements autochtones, ignorer les droits des Autochtones, mettre fin aux traités conclus et, au moyen d’un processus d’assimilation, faire en sorte que les peuples autochtones cessent d’exister en tant qu’entités légales, sociales, culturelles, religieuses et raciales au Canada. L’établissement et le fonctionnement des pensionnats ont été un élément central de cette politique, que l’on pourrait qualifier de « génocide culturel ». (3)
(2) Cité dans Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir : Sommaire du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, p. 2-3
(3) Cité dans Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir : Sommaire du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, p. 1
Plus de 150 000 enfants des Premières Nations, Métis ou Inuit, ont été forcé·e·s de fréquenter l’une des 139 écoles gérées par l’Église et financées par le gouvernement entre 1870 et 1997.
Les premières « écoles industrielles » virent le jour dans les années 1880. Ce fut la première manifestation du système de pensionnats moderne. En 1930, à l’apogée du système, il existait 80 établissements au Canada. Bien que le gouvernement administrât les pensionnats, leur gestion et l’éducation des jeunes furent confiées aux institutions religieuses : l’Église catholique, l’Église anglicane, l’Église Unie et l’Église presbytérienne. Tout comme la scolarisation et l’assimilation culturelle, l’évangélisation était perçue comme une composante essentielle de la transformation des pensionnaires en citoyen·ne·s dignes de faire partie de la population majoritaire.
Puisque le but explicite des pensionnats était de transformer des « sauvages » en « citoyen·ne·s modernes », la violence et l’humiliation devinrent rapidement et inévitablement le moyen privilégié pour faire assimiler les messages par les enfants. Même dans les cas où l’on appliquait avec tolérance les principes gouverneurs du système (et même si l’on pourrait argumenter que les intentions de certain·e·s étaient bonnes), le but et le projet restaient intrinsèquement violents. Il s’agissait de déraciner l’enfant avant qu’il·elle puisse s’enraciner dans sa communauté et en maîtriser la culture. Il s’agissait de lui faire croire que sa langue maternelle était honteuse et inutile. Bref, il s’agissait de le·la convaincre que tout ce qu’il·elle avait appris de ses parents méritait d’être oublié.
Pour les enfants, la vie dans ces écoles était solitaire et étrangère. Arrivés au pensionnat, les frères et les sœurs étaient séparés. Les bâtiments étaient mal situés, mal construits et mal entretenus. De nombreuses écoles étaient mal chauffées et mal aérées. L’alimentation était maigre et de piètre qualité. La discipline était sévère et la vie quotidienne était extrêmement réglementée. Les langues et les cultures autochtones étaient dénigrées et réprimées. Les objectifs pédagogiques des écoles étaient limités et confus ; ils reflétaient habituellement un manque de respect pour les capacités intellectuelles des peuples autochtones. Pour les élèves, l’éducation et la formation technique ont trop souvent laissé place aux corvées nécessaires à rendre les écoles autosuffisantes. La négligence à l’égard des enfants était institutionnalisée, et le manque de supervision a créé des situations où la sécurité voire la vie des élèves était en péril. Le système des pensionnats faisait partie d’une politique générale qui cherchait l’extinction de toute culture autochtone au Canada, et c’est dans le cadre de cette politique et des préjugés qu’elle incarne que furent commis les actes de violence physique, psychologique et sexuelle que des milliers d’autochtones ont rapportés à la Commission de vérité et de réconciliation entre 2008 et 2015.
Selon le rapport final de la Commission de la vérité et de la réconciliation publié en 2015, au moins 6000 enfants ont péri dans un de ces établissements. Aujourd’hui, nous savons que ce nombre est sans doute plus élevé. Un enfant avait 1 chance sur 25 de mourir au pensionnat.
« Le système des pensionnats était fondé sur l’hypothèse voulant que la civilisation européenne et les religions chrétiennes étaient supérieures à la culture autochtone, qui était considérée comme sauvage et brutale. » (4)
(4) Cité dans Honorer la vérité, réconcilié pour l’avenir : Sommaire du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, p. 5